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Pourquoi est-ce que j'aime la Hongrie ?

Publié le par Anne Brun-Tournayre

En vérité, pourquoi est-ce que j'aime la Hongrie ?

A deux semaines de visiter, pour la troisième fois, cet Etat de la Mitteleuropa, je me suis posée cette étrange question avec la sensation tout aussi étrange de ne pas savoir y répondre...

Que sais-je en fait de ce pays ?

Il est pour moi une terre qu'il n'est pas une évidence d'aimer. Habituelement, les gens disent volontiers : "j'adore l'Italie pour son soleil et la Dolce Vita" ou "la France est pour moi le pays de la Liberté et des Droits de l'Homme". Mais la Hongrie ? Qui se tournerait spontanément vers elle ?

Or j'aime Budapest, que je trouve belle (ou beau ?) J'aime la splendide sérénité de ce Danube qui donne, en comparaison, des allures de rivière à notre Seine. J'aime la silhouette du Parlement et le pont que je préfère entre tous est certainement le Szabadsag Hid, le pont de la Liberté... J'aime la vue merveilleuse depuis les collines de Buda, la paix qui se dégage de ce décor urbain...

J'ai également apprécié l'indépendance que m'a donnée cette ville, alors que je m'y réfugiai l'an dernier, à la faveur de Pâques. Je n'avais alors en tête que deux ou trois mois de hongrois, mais je les offris en gage de bonne volonté aux Budapestois que je rencontrai. Car il suffit, pour apprivoiser un peu les Magyars, de montrer que l'on s'efforce de connaître quelques termes de leur impossible et mystérieuse langue. Aussi, pouvoir me promener, me faufiler dans cet inconnu-là me donnait-il satisfaction et gratitude, le sentiment de voyager réellement.

Et puis Budapest m'est chère en raison de ses cicatrices, des stigmates de l'Histoire que portent encore ses immeubles, loin des décors polis de ces capitales européennes qui, ayant toutes souffert, cachent toutes les marques de leurs blessures. Et il y a la gare de Nyugati : elle m'a fascinée par son délabrement, par l'impression que donne sa pauvreté que nous sommes plus à l'Est encore, à Kiev ou bien dans la gare de quelque ville russe.

Mais au fond, mon attachement à la Hongrie n'est-il pas davantage fondé sur une forme de nostalgie que sur des raisons précises ? Les Magyars ne sont-ils d'ailleurs pas familiers de ce sentiment, qu'ils identifièrent dans une chanson à un dimanche si sombre ("Szomoru Vasarnap") que d'aucuns se suicidèrent ? Car en fait, la Hongrie est aussi pour moi une légende, un regret que je parcoure et interroge...

Elle est une légende racontée dans mon entourage au cours d'une certaine période de mes études. Mes compagnons d'alors avaient fait plusieurs fois le voyage de Hongrie, me donnant l'impression qu'il s'agissait d'une sorte de périple initiatique nécessaire pour appartenir à leur cercle. Aussi me parlait-on souvent de ce pays, qui semblait pour eux une évidence, comme le classique que l'on donne à lire aux collégiens en classe de français.

J'y allai à mon tour le temps seulement d'un soir et d'un matin, précisément celui de mon anniversaire. On me proposa l'année suivante de me rendre à Pécs, ce que je ne pus faire et qui me laissa un regret... Comme je pourrais aussi regretter de ne pas m'être promenée dans Buda avec une personne chère et qui m'en eût conté les secrets...

Mais voici qu'en août je découvrirais la campagne, le lac Balaton et peut-être Veszprem... Je commencerai donc à devenir Hongroise, bien qu'une Hongroise muette... Et je sais qu'à mon retour, ma connaisance ne sera encore qu'un effleurement, et qu'il faudra encore apprendre de l'Histoire de ce pays rêvé, et de ceux qui l'ont façonné, du roi Etienne à la soucieuse Erzsébet.

Enfin, et c'est pour moi l'une des meilleures raisons de mon attachement, je suis simplement fière que Sylvestre, l'unique pape que ma terre natale donna à la Chrétienté, ait contribué à la création du royaume de Hongrie. Ainsi offrit-il sa couronne à son premier roi et figure mythique, Saint Etienne.

Voici en somme des sentiments dans lesquels j'aime à me réfugier ou que je transcende en continuant à forger ma propre vison de la Hongrie et de sa Perle.

Car aimer un pays, c'est le modeler à notre image, en faire une projection de ce que nous sommes ou de ce que l'on aimerait être en puisant dans ce qu'il nous offre...

Et à présent, je sais un peu mieux pourquoi j'aime la Hongrie...

Jeune femme assise sur un banc, à l'entrée de l'Institut hongrois à Paris.

Jeune femme assise sur un banc, à l'entrée de l'Institut hongrois à Paris.

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A
Merci Nadine! Tes phrases un peu me font redécouvrir notre capitale bien aimée et souvent critiquée à la fois. Tu frappe bien ce sentiment "nostalgique" (et peut-être mélancolique) difficilement explicable. Et ce curieux "double sentiment" représenté également par le pont de la Liberté qui porta le nom de l'empereur François-Joseph (Kaiser Franz Joseph, grand ennemie de la liberté hongroise) et qui échappa - au dernier moment - d'être renommé Pont Staline...
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